USA: Un soulèvement contre la violence policière
De Ferguson à Staten Island
Eljeer Hawkins, Socialist Alternative (CIO aux Etats-Unis)
Un grand jury de Staten Island (New York) a annoncé qu’il n’allait pas inculper l’officier de police Daniel Pantaleo pour avoir illégalement étranglé à mort Eric Garner, un habitant de Staten Island père de 6 enfants. Cette annonce stupéfiante fait suite à la vague explosive de contestation à Ferguson et nationalement, après l’annonce que le policier Darren Wilson ne serait pas inculpé du meurtre de Michael Brown, 18 ans. Il est clair que le système capitaliste raciste dans ce pays n’a aucune considération pour les vies de la classe ouvrière, des pauvres, et en particulier des jeunes Noirs dont les vies sont réputées jetables. La police tue des Noir-Américains presque dans les mêmes proportions que les lynchages au temps de la ségrégation (ère Jim Crow) et les jeunes hommes noirs ont 21 fois plus de chances d’être abattus par la police que les hommes blancs. L’indignation légitime de la classe ouvrière et des jeunes, qui contestaient l’annonce du grand jury la nuit dernière, est justifiée et doit s’escalader pour mettre fin à cette misère quotidienne.
Les amis et la famille d’Eric Garner le décrivent comme un bon être humain. Le 17 juillet, il a été approché par des policiers en civil comme il se tenait dans une rue de Staten Island, supposément en train de vendre des cigarettes en vrac. Il avait déjà eu à en découdre avec la police pour la même raison. Cette fois, il a déclaré qu’il ne se ferait plus harceler par la police. L’officier Pantaleo a appliqué illégalement une prise d’étranglement à Garner et a maintenu sa prise après l’avoir mis au sol. Graner a crié « je ne peux pas respirer ». Même après que Pantaleo ait relâché Garner, les secours sont restés passifs et ont laissé Garner mourir sur place. Les événements de cette tuerie policière ont été filmés par Ramsey Orta, qui s’est fait harceler par la police et inculpé de possession illégale d’une arme. Orta affirme avec raison que cette inculpation est en représailles de sa vidéo et de son soutien inébranlable à la famille Garner.
Selon le site FiveThirtyEight.com, « Le FBI rapporte qu’en 2011, les policiers en Amérique ont tué 404 suspects dans des actes d’ « homicide justifié ». » Étonnamment, ce nombre n’inclut probablement pas toutes les pertes civiles cette année, étant donné qu’il repose sur des rapports volontaires et n’inclut pas les homicides policiers qui ne sont pas considérés « justifiables ». Cependant, 404 est un grand nombre. En comparaison, seulement 6 personnes ont été tuées par la police en Australie dans la même période. La police en Angleterre et au Pays de Galles n’a tué que deux personnes, et la police allemande, 6.
Comme le soulignait récemment un éditorial du New York Times, l’échelle du harcèlement et des meurtres par la police montre pourquoi dans beaucoup de communautés noires, « la police est vue avec justesse comme une force occupante étrangère qui est synonyme d’abus sponsorisé par l’État. » (The Meaning of the Ferguson Riots, NY Times editorial, 25/11/14). Mais alors que la brutalité policière affecte disproportionnellement les communautés pauvres afro-américaines, des centaines de Blancs et de Latinos sont aussi tués par la police chaque année, souvent dans des circonstances très douteuses. Les raids sans sommations et les procédures policières de tirer pour tuer sont la norme dans tous les USA et en particulier dans les communautés pauvres.
Les verdicts de Ferguson et de Garner montrent l’incapacité et le manque de volonté du Big Business et de ses deux partis (Démocrates et Républicain) de s’attaquer sérieusement à la militarisation de la police et là a nature systémique de la violence policière ou même de les réduire. Le rôle de la police sous le capitalisme est d’abord et avant tout de défendre les intérêts, la propriété et le prestige de la classe dirigeante par tous les moyens. En général, l’élite a vu la militarisation de la police, en plus de la criminalisation d’une grande partie de la jeunesse Noire et de l’incarcération en masse, comme une élément-clé du maintien de l’ordre social. La peur du crime est utilisée pour diviser la classe ouvrière sur des lignes raciales alors que les communautés pauvres noires font face à un État policier virtuel. Alors que certains parmi la classe dominante montrent le besoin de ralentir la guerre de la drogue et d’introduire des réformes de la police, il y a des limites importantes à jusqu’où la classe dominante est prête à aller. Par exemple, le Président Obama a récemment passé en revue la vente d’équipement militaire aux départements de police et a décidé de ne faire aucun changement.
A New York City, Bill de Blasio a été élu maire il y a un an en partie sur la promesse de mettre fin au programme honni Stop and Frisk (qui permet à la police d’arrêter et de fouiller les piétons, NdT). De Blasio a en effet significativement diminué ces contrôles, un important pas en avant, mais il a en même temps rappelé à New York l’ancien responsable de la police William Bratton, le cerveau des doctrines policières agressives de « la vitre cassée » et de la « qualité de vie » (tolérance zéro pour les infractions mineures, qui mèneraient à la criminalité, NdT). Ce sont les politiques et l’entraînement de la NYPD et du Big Business qui ont mené directement à la mort de Garner. C’est n’est pas un cas accidentel ; tout le système est coupable.
La réponse de Bill de Blasio à la décision Garner a été tiède et sentimentale et il n’a pas ouvertement condamné la décision, contrairement à d’autres élus locaux. Pendant ce temps, le sommet le sommet de la Maison Blanche d’Obama, avec beaucoup de maires suivant les événements de Ferguson, promouvait l’allocation de 260 millions de dollars pour les body cameras, fixées sur les uniformes des policiers, et une commission nationale pour revoir la militarisation de la police. L’utilisation des body cameras seraient une réforme bienvenue mais n’aurait pas maintenu Eric Garner en vie, étant donné que le policier Pantaleo savait qu’il était filmé. Une question plus profonde est de savoir ce qu’il faudrait pour obtenir la condamnation d’un policier qui a tué quelqu’un, étant donné l’étendue très vaste des « rules of engagement » (procédure que la police américaine suit lorsqu’elle interpelle un suspect, NdT). La limite de la commission d’Obama se manifeste aussi dans le choix de Charles Ramsey comme coprésident. Ramsey, ancien chef de la police à Washington DC et à Philadelphie, est connu pour être un pilier de la loi et de l’ordre et un défendeur de la militarisation de la police.
La classe dominante ne va pas faire la moindre concession sur les pouvoirs de la police en général sans une lutte sociale majeure de la classe ouvrière, en particulier des travailleurs et des jeunes noirs. Le mouvement ouvrier doit jouer un rôle actif dans cette lutte pour la justice raciale et économique. La répression policière qui vise la jeunesse noire aujourd’hui va être utilisée contre les luttes des travailleurs demain comme cela s’est vu souvent aux USA contre les grandes grèves et batailles pour de meilleurs salaires et conditions de travail.
Le pouvoir ne concède rien sans revendications. Il ne l’a jamais fait et ne le fera jamais. »
La question sérieuse de la responsabilité et du contrôle de la police est posée à notre mouvement. Socialist Alternative (section-soeur du PSL) appelle à ce que les polices locales soient contrôlées par des comités de représentants des syndicats et de la communauté démocratiquement élus. Ces comités devraient avoir le pouvoir d’embaucher, de reconvertir et de licencier les officiers de police, et de faire fermer les postes de police connus pour leur corruption et leurs bavures. C’est un outil crucial de la lutte contre la violence policière comme composante de la remise en cause du contrôle du capitalisme sur la société. Le procureur général Eric Holder a annoncé une investigation fédérale du cas Garner. Nous avons peu d’espoir dans ce procès. Nous devons demander la refonte du rôle des grands jurys et des procureurs dans tous les cas. Socialist Alternative demande des investigations complètement indépendantes à Ferguson, Staten Island et dans tous les autres cas de meurtres par la police, menés par des représentants des communautés affectées et des organisations ouvrières avec le pouvoir d’assigner à comparaître, d’inculper et de poursuivre en justice.
Le mouvement contre la violence policière
Le mouvement dans les rues contre la violence policière peut devenir le début d’un nouveau mouvement de la libération des Noirs. Un tel mouvement doit aussi s’attaquer à la dévastation économique causée par le capitalisme. C’est sous le Président Obama que les travailleurs et les jeunes noirs font face à une forte montée des niveaux de pauvretés et d’inégalité de revenu, pendant que l’incarcération de masse continue. En fait, sur les 6 dernières années, les Afro-Américains ont subi la pire perte de richesse depuis la fin de l’esclavage. La lutte pour un salaire minimum de 15$ par heure qui se répand dans tous les USA est une voie brillante pour commencer à construire une riposte de la classe ouvrière large, qui est essentielle à la lutte victorieuse contre toutes les formes d’oppression.
Nous devons démolir l’édifice du capitalisme et de l’oppression raciale avec notre énergie et notre ingéniosité pour réaffirmer notre humanité face à la violence sponsorisée par l’État et l’indifférence sans pitié de la classe dominante. Aucun de nous ne peut respirer dans un système de terrorisme économique, politique et social ; le seul remède qui peut soigner nos maux est un changement de système. La lutte pour un socialisme démocratique et la démocratie ouvrière doit être mise à l’agenda.
Revendications de Socialist Alternative
• Inculpation de l’officier Daniel Pantaleo.
• Fin du système des grands jurys fermés. Pour des investigations complètement indépendantes sur les tueries policières.
• Commissions d’examen composées de civils élus dans toutes les villes, avec le pouvoir d’embaucher et de licencier, comme étape vers le contrôle de la police par la communauté.
• Non à la militarisation de la police ! Pour que les millions dépensés en armement de la police soient investis dans les écoles, la santé, le logement et les travaux publics.
• Justice économique ! Pour des emplois de qualité garantis avec un salaire minimum de 15$ par heure.
• Un nouveau Mouvement de Libération des Noirs pour construire des manifestations nationales coordonnées contre le racisme, la violence policière et l’inégalité économique.
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